Projets artistiques
Le thème 2024 est « Monstres et Créatures des Océans »
10 artistes sont invités à créer une œuvre pour cette 28ème édition.
Les projets pédagogiques et l’intervention de médiation Dialogue d’images sont présentés en bas de cette page.


Gretel WEYER
Installation composée de sculptures en céramique émaillée, 2025
Pour la FEW25, l’artiste imagine une installation composée de plusieurs sculptures en céramique partiellement immergées dans la fontaine de Gohr, rue de la Victoire. Des têtes d’enfants apparaissent à la surface de l’eau, certaines se dévoilent presque complètement tandis que d’autres nous laissent à peine percevoir le sommet du crâne ou les yeux… Si on s’y attarde un peu, on comprend qu’il est en train de se produire un phénomène étrange, comme une sorte de mutation en cours, une métamorphose. Des écailles et des nageoires apparaissent par endroits transformant ces enfants d’apparence ordinaire et tout à fait innocente en créatures mi-humaines mi-animales… Est-ce la naissance d’un nouveau règne ? Est-ce une malédiction ancestrale, un sortilège ? Est-il question d’une future génération en fusion avec la nature ou bien de créatures surnaturelles provenant d’un récit maritime du siècle des grandes explorations ?
L’enfance est un territoire extrêmement complexe dont Gretel Weyer s’emploie à explorer les différentes dimensions. Lieu de paradoxes, l’enfance articule l’innocence et la malice, la joie et la tristesse, la naïveté et le machiavélisme. Les apparences y sont souvent trompeuses. L’artiste se joue de l’inconfort de ces paradoxes pour fabriquer des bribes de contes, de légendes et de mythes habités par des enfants perdus, des animaux et des objets du quotidien. Modelés, sculptés, dessinés, gravés ou peints, les corps se situent dans un entre-deux : entre le réel et la fiction, entre le rêve et le cauchemar, entre l’éveil et le sommeil, entre la vie et la mort.

Vincent CHEVILLON
Installation
Erable, acier, tableaux noirs
Dimensions variables, 2025
En 2019, durant la période de restauration du Musée zoologique de Strasbourg, des squelettes de cétacés ont été exhumés des combles en vue d’être identifiés et déménagés. Durant ce déménagement, Vincent Chevillon réalise des photographies, dont une figurant un crâne de cétacé posé sur une chaise. L’artiste poursuit alors des recherches sur l’individu dont est issu le crâne jusqu’à la plage de son échouage en Nouvelle-Zélande Aotearoa. À son retour, Vincent Chevillon veut lui donner corps en sculptant sa réplique dans de l’érable et adopte la même méthode pour son socle-chaise qu’il fabrique alors en acier. Malgré toutes les connaissances rapportées à son propos et son environnement, l’étrangeté et l’altérité émanant de cette créature ne font que s’approfondir et nourrir une fascination proche de l’envoûtement pour l’artiste. Pour Vincent Chevillon, il y a en toute existence, un gouffre que nos imaginaires ne sauraient recouvrir.

Silène AUDIBERT
Créature 1&2
Huile, toile libre, format 2,70 m x 1,60m, 2025
Portraits
Série de toiles, huile, toile libre, 10 cm x15 cm et formats variables, 2025
Les représentations des abysses, et les peurs attachées aux formes des mondes que l’on ne connaît pas sont des constructions de l’imaginaire, des mondes fantasmés. L’artiste convoque ces espaces en puisant dans les récits, les contes et une perception sensible de son corps et de son environnement. Ces paysages sont des plongées dans des espaces obscurs sauvages. Ils convoquent ce qui se loge en profondeur. A cet endroit, l’eau tient une dimension puissante depuis les mythes, les rêves et l’inconscient, le naufrage et les cauchemars. Le sujet de l’eau, nous plonge dans les profondeurs de l’inconscient, un domaine qui cache et révèle les pulsions. La perception de cet imaginaire passe par une connexion à notre corps qui nous ramène à cette dimension du vivant au moment où tout nous conduit à la maîtrise dans nos vies contemporaines. La forme organique est un mouvement de la vie qui se meut par elle-même. La proposition de l’artiste est une invitation à ressentir, à effleurer notre dimension aquatique et organique. Les seuils, les frontières entre deux espaces matérialisent des espaces de connexion au vivant. Ses images sont comme des portes, des représentations de nature végétale, minérale et animale confondues. Les images sont pensées pour créer un temps hypnotique, un temps pour se laisser entraîner à l’intérieur de la forme. A la peur se mêle l’attirance pour se laisser emporter dans des zones frontières ambigües. Se confondre avec des formes naturelles, c’est faire le vœu de se rapprocher de la nature perdue. Dans la forme graphique mise au point, Silène Audibert inverse le jeu du tracé en travaillant par effacement. Sur toiles, elle trace et griffe la surface dans la peinture fraîche. Ainsi la ligne et la lumière jaillissent des grands fonds de couleurs. Les images surgissent à nous dans la tentation d’un dessin qui nous embrasse physiquement.


Estelle CHRETIEN
Contreplaqué de pin lasuré, vis et charnières
214 cm x 173 cm x 122 cm et 124 cm x 173 cm x 123 cm, 2025
L’installation Gueules Ouvertes est un pont entre l’image mentale collective et populaire de la fameuse gueule grande ouverte des monstres des profondeurs et les passe-têtes ou castelets d’art de rue. Le spectateur se met en scène dans cet élément de décor issu de la tradition du théâtre de marionnette et peut devenir acteur en faisant rugir le monstre en lui, ou alors en jouant le rôle de la victime, engloutie dans la gueule du monstre. Estelle Chrétien conçoit ces deux sculptures spécifiquement pour la FEW. L’artiste est également invitée à exposer à la médiathèque de Thann où ses « Identités collectives », des collections entomologiques de petits monstres en papier découpé sont inspirées de ce même dialogue.
Estelle Chrétien développe une œuvre sensible et poétique aux hasards des rencontres et des contextes. Toujours en quête de nouveaux gestes, l’artiste s’approprie une technique qui l’oblige à passer par une phase d’apprentissage pour chaque nouvelle production. Cette dernière fait alors partie intégrante de sa pratique. En effet, elle considère la transmission des savoir-faire comme un mode de communication entre les générations et les classes sociales, un moyen de préserver une mémoire culturelle collective. Elle produit des pièces qui entretiennent un dialogue de la matière qui les constitue avec leur forme dans une tension entre l’usage et l’allusion. Estelle Chrétien s’applique à questionner comment nous vivons en déformant physiquement des constructions mentales établies.


Lili TARENTULE
Plexiglas et bâche recyclés, 190×240 cm, 2025
Des silhouettes hybrides émergent des profondeurs, entre algues, coraux et vestiges urbains engloutis. Inspirées des mythes marins et de créatures légendaires (Selkies, Nagas, esprits aquatiques), les « Peaux de… » incarnent un monde aquatique en mutation, où l’humain n’est plus au centre mais fait corps avec l’océan. Associant gravure et peinture, cette œuvre mêle poésie et écologie, donnant forme à une mémoire fragile des eaux blessées par nos sociétés. Le paysage, à la fois submergé et familier, interroge notre relation au vivant et à la transformation. Et si l’océan, à travers ces gardiens silencieux, cherchait à nous parler ?
Le travail de Lili Tarentule explore la fragilité du vivant et l’empreinte humaine sur la nature à travers un univers poétique et évocateur. Après l’obtention du DNAP à l’ESAL Metz et du DNSEP à l’ENSA Dijon, elle s’installe à Strasbourg où elle développe et approfondit sa pratique artistique. Ses œuvres, entre gravures, peintures et dessins, mettent en scène des paysages oniriques et des figures hybrides, oscillant entre menace et protection. Inspirée par les ambiances lumineuses de William Turner et les visions symboliques d’Odilon Redon, elle construit un langage visuel singulier où se mêlent minéral, végétal et animal. Son travail, à la fois instinctif et précis, capte les transformations organiques et traduit une profonde réflexion sur notre rapport au monde naturel.


Léa STOSSKOPF
Installation
Peinture à l’huile et peinture acrylique, bois, textile et toile,
300 cm x140cm, 2025
Dans les pays slaves, où l’océan est lointain, le folklore associe souvent cette vaste étendue d’eau à l’inconnu, au bout du monde, au voyage et à la mort. « Bonne Aventure » prend la forme d’un mât de bateau composé de sept figures issues des mythes et légendes slaves, nordiques et baltes. La structure fait office d’autel, nous préparant à affronter les mystères et les appréhensions que symbolisent les océans. Dieux, esprits et animaux légendaires et emblématiques s’assemblent ici pour nous soutenir face à nos doutes, qu’ils soient concrets ou abstraits. Au sommet du mât plane Peroun, dieu slave du tonnerre, connu pour avoir pris la forme d’un aigle afin de plonger un roi russe dans tous les océans du monde dans le but de lui ôter sa peur de la mort. Plus bas serpente Jörmungandr, le serpent marin impliqué dans le Ragnarök, qui, du fait de sa taille gargantuesque, pourrait s’enrouler autour de la Terre depuis les fonds océaniques. Se dressent ensuite le poisson-évêque, symbole de la christianisation complexe des pays slaves, entre christianisme et paganisme, ainsi que le crabe, emblème des marins de la mer Baltique. De part et d’autre du mât se trouve Hafgufa, la « vapeur de l’océan », une baleine mythique qui accompagnait les Vikings et autres navigateurs sur les flots nordiques, et qui continue de nourrir l’imaginaire lié aux océans froids du globe. A la base du mât sont représentés Morana et un Nøkk. Morana, déesse slave de la mort, réside dans les eaux du monde, guidant les défunts à travers les rivières jusqu’aux océans afin de les accueillir au-delà des mers infinies. Sous Morana, un Nøkk sacrifié sonde les bords de mer pour venir voler les âmes des hommes cupides, jugés indignes de ses services de fidèle destrier. C’est au solstice d’été que les rituels envers les dieux sont les plus fréquents, notamment lors des célébrations d’Ivan Kupala. « Bonne Aventure » propose de réactiver cette forme de rituel, nous invitant à affronter nos peurs de l’inconnu, de l’avenir, de la mort et de toute adversité.


Elisa SANCHEZ
Étendard de tissus de
récupération cousus et brodés, perles, sequins, coquillages, cordes et bâche de chantier, 2×3 mètres, 2025
Qu’elle manque ou déborde, qu’elle murmure ou gronde, l’eau porte en elle des histoires personnelles et des luttes collectives. Les Terreurs océaniques est une banderole de tissus cousus et brodés à la main. Cette œuvre textile illustre une rébellion menée par les colins d’Alaska et les merlans bleus de l’Atlantique Nord, épaulés par des poulpes et des sirènes anarchistes, luttant contre les chalutiers géants pélagiques, dont le plus redoutable d’entre eux, le Annelies Ilena, qui peut pêcher chaque jour 400 tonnes de poisson, destiné à être broyé en surimi. Le chalutage en eau profonde est une catastrophe écologique qui, avec l’aide active du gouvernement français, consiste à racler les fonds marins avec de longs filets afin de maximiser les captures de poissons, mollusques et crustacés, détruisant au passage des coraux millénaires. Déployé au bord d’une rivière, en cortège ou sur le sol, cet étendard peut devenir voile de radeau, abri ou bouclier contre les gaz lacrymogènes.


Eden LEFEVRE
Argiles colorées mêlées, grès noir, émail 14,5 cm x 84,5 cm x 131 cm, 2018
À l’image de son élément naturel, l’eau, le mythe des sirènes oscille entre attrait et répulsion, peur et fascination, désir et hostilité. Cette dualité en perpétuelle mutation traverse les siècles et les cultures au service de représentations stéréotypées qui se muent aujourd’hui en figures de résistance. Faite de plusieurs terres colorées et entremêlées, la sculpture Palme et Queue est en deux parties : un corps et une nageoire. Le corps a été construit directement sur la peau d’une personne avec une plaque d’argile venant figer son empreinte, allant des fesses jusqu’aux chevilles. La palme est une chimère entre aile d’oiseau, papillonne et poisson. Naviguant entre ciels et océans, elle prolonge le corps en sirène.
Le travail artistique d’Eden LEFEVRE se nourrit d’« imagineries » symboliques aux acidités harmonieuses. C’est à travers les récits, fables et pensées qui habitent nos quotidiens que l’artiste questionne les mécanismes de reproductions inégalitaires et les constructions identitaires qui en découlent. Cette matière de recherche sensible est déterminée par une conscience critique des enjeux à l’œuvre dans les systèmes de représentations, ainsi que sur les modes d’oppressions qui les structurent. C’est en mettant en tension les limites normées, en se les appropriant et les détournant qu’Eden LEFEVRE puise ses formes intuitives : poétiques et émancipatrices. Ce processus donne corps à des installations qui deviennent narration, où discours dominants et transversalités piquantes se charment et s’affrontent.


Ugo LANGE
Estran
186 cm x 163 cm, (6 cadres de 80 cm x 60 cm), gouache, aquarelle et brou de noix sur papier coton, 2024
Marée basse
163 cm x 60 cm (2 cadres de 80 cm x 60 cm), gouache, aquarelle et brou de noix sur papier coton, 2025
Soleil
186 cm x 163 cm, (6 cadres de 80 cm x 60 cm), gouache, aquarelle et brou de noix sur papier coton, 2024
Les œuvres présentées s’inscrivent dans une série entamée lors d’une résidence en Bretagne, où l’artiste passa beaucoup de temps à parcourir et dessiner l’estran. Nombreuses sont les singularités de cet écosystème, celles qui l’ont le plus marqué résident peut-être dans sa dimension liminaire ; une frontière floue entre le monde marin et le monde terrestre. Tantôt immergée, tantôt submergée, cette zone vit au rythme des marées, elles-mêmes influencées par les mouvements des astres. L’action de l’eau salée qui érode les roches granitiques, est donc dirigée par l’influence invisible d’objets cosmiques : du grain de sable à l’océan, de l’océan à la lune, de la lune au soleil, Ugo Lange n’était plus à Saint-Malo, mais sur un morceau de roche projeté dans l’espace. L’alternance nuit-jour façonne donc indirectement les paysages et les êtres qui les peuplent, mais aussi la fine ligne de crête entre éveil et sommeil. Le rêve semble être à l’éveil ce que le reflet mouvant de l’eau est au réel ; une image bouleversée par l’impermanence de ce dans quoi elle se projette. Dans ce paysage changeant, les frontières se brouillent, et laissent envisager la transformation constante des êtres ; tantôt chair, carapaces, plumes, et coquilles, ils deviennent ossements, roches, sables, eau et lumière. Dans les profondeurs d’un bassin de marée, se reflètent toutes les étoiles du cosmos ; dans toute cette nuit, brillent des milliards de jours.
Ugo Lange puise son inspiration dans son environnement pour imaginer et façonner des réalités parallèles. Son travail en atelier s’enrichit d’observations réalisées sur le motif, à travers le dessin et la peinture. Dans cette série d’œuvres, il nous invite à franchir les frontières habituellement perçues comme distinctes : entre le vivant et le minéral, le jour et la nuit, la terre et l’eau, l’altérité et l’intime, le réel et l’imaginaire.


Stéphane GRANZOTTO
2 photographies, impressions sur PVC, 140 cm x 98cm
Pendant quatre hivers consécutifs, Stéphane Granzotto a exploré les eaux glacées du fjord de Kvænangen, au nord du cercle polaire arctique, en Norvège. Chaque année, des milliards de harengs y affluent, attirant des centaines d’orques venues se nourrir dans ce festin naturel spectaculaire. Stéphane Granzotto a réalisé des centaines de plongées en apnée pour capturer ces instants rares, offrant une perspective intime et saisissante sur ces prédatrices majestueuses. Cette série photographique est tirée du livre ØRCAS qui rassemble une centaine d’images inédites, prises au plus près des orques, illustrant leur comportement social, leurs techniques de chasse et leur interaction avec l’environnement.
Stéphane Granzotto est un photographe, réalisateur et auteur passionné par la nature et la vie sauvage. Son travail se distingue par une approche artistique et documentaire qui capte la beauté brute du monde naturel, avec une attention particulière pour le milieu marin. Fasciné par les cétacés, il consacre une grande partie de son travail à l’observation et à la mise en lumière des cachalots, des orques, mais aussi des eaux douces françaises.
Son engagement pour la préservation des océans transparaît dans chacune de ses images, qu’il s’agisse de clichés réalisés en plongée libre ou de prises de vue aériennes spectaculaires. À travers ses reportages et ses ouvrages, il invite à une immersion profonde dans des écosystèmes fragiles, sublimant la nature pour mieux sensibiliser à sa protection. Son travail a été publié dans de nombreux magazines, exposé à l’international et récompensé à plusieurs reprises. À travers ses documentaires et ses photographies, Stéphane Granzotto poursuit une mission : témoigner de la beauté du monde vivant et en raconter l’histoire avec sincérité et émerveillement.
Projets pédagogiques



Ugo Lange Avec les 25 élèves de 3èmeB du collège de Saint-Amarin et Régine Fimbel
Illustrations et textes (impressions sur bâche), édition reliée
L’artiste Ugo Lange a proposé aux collégiens de créer un livre qui sera entièrement conçu et fabriqué par eux. Au programme ; séances d’ateliers d’écriture (le français est donc convoqué), invention de personnages qui voyagent vers les abysses, illustrations de ces derniers et de l’environnement sous-marin ainsi que des créatures qui s’y cachent…enfin, un travail de mise en page et de reliure permet d’aboutir à la forme d’un livre géant.
A travers ce projet, le plasticien qui porte un intérêt certain pour l’univers de la bande-dessinée et de l’illustration, a accompagné ces jeunes dans la découverte de diverses techniques dont l’aquarelle et le papier découpé.
Ugo Lange est un jeune artiste né en 1993 et travaillant dans le Haut-Rhin. Sa pratique gravitant initialement autour du dessin et de la peinture, s’élargit au volume et à la céramique. Après son diplôme à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Bourges en 2017, il s’installe au sud du Mexique jusqu’en 2019, un séjour marquant durablement son rapport au dessin, notamment par la pratique du dessin de paysage dans les montagnes et les forêts. À son retour en France, il s’installe deux ans en banlieue parisienne. Ces années marquées par la pandémie entraînent chez lui la décision de privilégier un mode de vie plus résilient, communautaire et proche de la nature ; il part s’installer dans le massif Vosgien, au sein du Collectif des Possibles. Depuis 2020, il part en résidence et expose dans différentes régions de France (il participe notamment à la Biennale des Jeunes Artistes, organisée par Art Press entre 2022 et 2023) et mène, en parallèle de sa peinture, des projets allant de l’édition à l’installation de céramiques en forêt.



Marina Krüger, Résidence dans les écoles d’Oderen et de Willer-Sur-Thur
Linogravures, collages, sculptures en argile, sculptures en fil de fer, mobiles en vitrail, installation représentant un cabinet de curiosités, 2025
Se lancer dans l’exploration de nos peurs liées aux abysses et aux contes et légendes provenant des mers et océans aura été l’objectif principal de cette résidence menée dans les écoles de Willer-Sur-Thur et Oderen au courant des mois de janvier et février 2025. Entre mythologie et sciences physiques, les enfants ont (re)découvert les monstres et créatures – réelles ou imaginaires – qui nous effrayent et provoquent palpitations et angoisses. Les écoliers ont été invités à maîtriser leurs peurs et à se confronter à celles-ci en donnant de nouvelles formes à ces bêtes et en les figeant dans une sorte de cabinet de curiosités. Cette ancienne pratique qui précéda les expositions telles que nous les connaissons aujourd’hui, permet la mise en valeur des créations des enfants tout en introduisant les notions d’installation et de muséologie.
En lien avec son travail plastique, l’artiste a souhaité faire découvrir aux enfants comment au fil des siècles les récits mutent et transforment les créatures et les monstres, de sorte qu’ils s’en trouvent très souvent exagérés (et de ce fait, déformés), contribuant à susciter la peur, la curiosité et surtout une fascination sans borne pour nous tous.
Cette résidence a été imaginée comme un terrain d’expérimentation pour appréhender la gestion de ces peurs et observer comment la magie opère lorsqu’on décide de les maîtriser.
Marina Krüger, plasticienne de formation (diplômée de la HEAR-Mulhouse en 2007 et 2009), vit et travaille dans le Grand Est de la France. Active sur la scène régionale depuis quelques années, elle évolue entre sa création personnelle, des missions de médiation culturelle diverses mais aussi beaucoup d’interventions artistiques en milieux scolaire et social. Ses travaux sont exposés en France et à l’étranger. Entre 2016 et 2021, la plasticienne intègre un FAS (foyer d’accueil spécialisé) accueillant des adultes souffrant de troubles psychiques où elle sera à l’origine d’une création d’ateliers artistiques et entrainera ce public dans divers projets comme des participations à des expositions collectives. Depuis 2022, l’artiste est chargée de la direction artistique et administrative de la FEW. L’artiste continue de mener ses recherches plastiques qui ont souvent pour thèmes : l’enfance, la construction et la destruction, le jeu et le danger, les mythes et folklores personnels, la perte de repère et la peur…autant de sujets que l’artiste va traiter et explorer par le dessin et la gravure, la sculpture et l’installation, le vitrail et la mosaïque ou encore la broderie et la couture.



Lili Tarentule Avec la classe de CP de Wattwiller
Encre et feutre sur papier, 16 panneaux de 45 cm x 50 cm
Après plusieurs séances d’expérimentations autour du dessin, cette œuvre collective, menée avec la classe de CP et leur enseignante Marie-Eve Gerster, est composée de 16 panneaux. Elle présente un foisonnement d’animaux marins imaginaires. Chaque illustration a été réalisée à l’encre au fil de séances mêlant exploration artistique, expérimentation et créativité. Au cours des ateliers, les enfants ont d’abord dessiné leur autoportrait sous forme d’animal, avant de s’initier à des techniques de dessin ludiques comme utiliser leur main non dominante, dessiner sans lever le crayon ou sans regarder la feuille. Ils ont ensuite découvert l’univers des encres, en expérimentant les couleurs, les dilutions et les dégradés. À chaque étape, observation et imagination se sont mêlées pour enrichir leur univers visuel. Chaque œuvre est donc le fruit d’un processus riche, alternant techniques variées et liberté créative. En transformant des formes abstraites en êtres hybrides, les enfants ont donné vie à un monde peuplé d’animaux étranges, poétiques, parfois drôles, toujours uniques.
Le travail de Lili Tarentule explore la fragilité du vivant et l’empreinte humaine sur la nature à travers un univers poétique et évocateur. Après l’obtention du DNAP à l’ESAL Metz et du DNSEP à l’ENSA Dijon, elle s’installe à Strasbourg où elle développe et approfondit sa pratique artistique. Ses œuvres, entre gravures, peintures et dessins, mettent en scène des paysages oniriques et des figures hybrides, oscillant entre menace et protection. Inspirée par les ambiances lumineuses de William Turner et les visions symboliques d’Odilon Redon, elle construit un langage visuel singulier où se mêlent minéral, végétal et animal. Son travail, à la fois instinctif et précis, capte les transformations organiques et traduit une profonde réflexion sur notre rapport au monde naturel.



Fanny Munsch - Dialogue d'images
Lien vers le document présentant les dialogues
En amont de la visite du parcours, une médiatrice prépare un Dialogue d’images, une dizaine d’œuvres en relation avec le thème de l’année, sélectionnées dans différentes époques de l’histoire de l’art. Les œuvres sont présentées par deux, en mettant l’accent sur leurs ressemblances et leurs différences.



Léa STOSSKOPF Avec l’école élémentaire d’Aspach-Le-Bas
Bandes plâtrées, peinture acrylique, papier, coquillages
Hafgufa est une créature légendaire décrite dans les sagas nordiques médiévales d’après les témoignages de marins et, entre autres, de vikings. En se remettant dans le contexte de l’époque et en reprenant l’idée de la passation générationnelle des légendes par transmission orale, les enfants ont dû créer leurs propres versions d’Hafgufa. Leurs seuls repères pour cet exercice étaient les descriptions laissées dans les sagas et la connaissance du contexte historique et géographique de la créature, laissant ainsi place à l’interprétation et à l’imaginaire, ce qui, par le passé, a déjà donné vie à de nombreuses créatures mythiques.
« Hafgufa est le plus grand monstre créé dans la mer. Il porte une île sur son dos et, lorsqu’il a faim, mange des poissons, des baleines, des bateaux et tout ce qui se trouve sur son chemin. Quand nous nous sommes approchés de lui, il ressemblait à un gros rocher immobile comme ceux que l’on trouve au fond de l’eau. »
Örvar-Odds Saga, XIIIè siècle, récits d’Islande pour l’éducation du roi Magnus Lagaboter.
« Hafgufa est une créature qui fait la taille d’une île. Son corps, long comme celui d’un serpent, est recouvert de nombreuses cornes qu’elle frotte contre les bateaux jusqu’à les abîmer. Pour éviter cela, observez les jets d’eau qu’elle crache dans le ciel, ce signe annonce sa venue. »
Konungs skuggsjà, XIIIè siècle, récits de Norvège.
Avec nos connaissances actuelles de la faune terrestre, nous avons pu déterminer, d’après ces descriptions, que Hafgufa, était probablement une (ou plusieurs) baleine à bosse.
Née en 1997 à Colmar, Léa Stosskopf suit des études d’art contemporain et de scénographie à l’université de Metz où elle se passionne pour l’étude anthropologique et ethnologique du chamanisme et des différentes pratiques spirituelles et ésotériques. Premièrement influencée par le mouvement New Age, elle affine progressivement son travail en élargissant ses influences aux périodes médiévales et antiques ainsi qu’aux folklores slaves et, plus généralement, européens. Son univers plastique se construit sur un jeu avec les mythes et symboliques en travaillant particulièrement la représentation de la faune. Léa Stosskopf accorde une forte importance aux symboles qui favorisent une réflexion sur notre rapport contemporain aux représentations ancestrales. Chaque pièce s’inscrit dans une démarche introspective, reflet de son rapport intime au monde.